mardi, 15 décembre 2009
La betterave se peint en vert
Bientôt sur les écrans une campagne de publicité pour vanter les qualités d'agrocarburant de la betterave. A l'occasion de l'assemblée générale des producteurs français, le président de la CGB (Confédération Générale des planteurs de Betteraves) a déclaré vouloir « informer les citoyens français sur la possibilité qui leur est désormais offerte de participer dans leurs gestes quotidiens à la lutte contre le réchauffement climatique ». Les voilà donc invités à remplacer leur diesel par le bioéthanol fabriqué à partir de betterave (au Brésil, c'est la canne à sucre). L'an dernier déjà, le bioéthanol était incorporé dans les carburants classiques à hauteur de 8,7 %.
Le bioéthanol, comment ça marche ?
Pratiquement, soit il est introduit directement dans l'essence soit il est transformé en ETBE -éthyl tertio butyl éther- un carburant qui contient 47 % d'éthanol. En France, une automobile « classique » peut fonctionner avec un carburant comportant 10 % de bioéthanol pur ou 15 % d'ETBE. Depuis le 1er avril 2009, le nouveau carburant E 10, composé à 90 % d'essence sans plomb et à 10 % d'éthanol pur, est vendu par 14 % des stations services.
Pourquoi ce focus sur les agro-carburants ?
La directive EnR impose à l'Union que les carburants utilisés pour les transports proviennent, en 2020, à 10 % des énergies renouvelables. La France table sur l'E10 pour atteindre son propre objectif pour 2010 de 7 % d'incorporation d'agrocarburant. La culture de la betterave qui couvre 2 % de la SAU ou Surface agricole utile française devrait être record cette année avec un rendement de 93 tonnes l'hectare. Sur les 34 millions de tonnes attendues à la fin de la récolte, un peu plus du dixième ira à la fabrication d'éthanol.
Où en est-on aujourd'hui ?
Près de 10 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) d'agro-carburant ont été consommées en 2008 pour les transports routiers de l'Union européenne, soit 28 % de plus en un an. Cela représente 3,3 % du contenu énergétique des carburants utilisés dans les transports routiers de l'Union européenne. Selon EurObserv'ER, le biodiesel est le premier agrocarburant produit en Europe, elle-même premier producteur mondial avec 65% de l'offre, soit entre 2,3 et 2,8 milliards de litres. Selon l'EBIO ou European Bioethanol Fuel Associations, la France a doublé sa production de bioéthanol carburant en 2008, à 1 milliard de litres, devant l'Allemagne, avec 568 millions de litres.
Problème : cela ne suffit pas et les importations de biodiesel américain ont bondi de 50 % l'an dernier : le million et demi de tonnes importé a représenté, toujours selon EurObserv'ER, 16,3 % de la consommation européenne de biodiesel par les transports.
L'agrocarburant est-il vraiment bénéfique pour l'environnement ?
A priori, oui. Selon l'ADEME, les filières agrocarburants émettraient entre 60 et 80 % de gaz à effet de serre en moins que les carburants fossiles. Cependant, cette comparaison est facile : n'importe quel béotien en sciences comprendra que la production d'éthanol est moins polluante qu'une centrale thermique à charbon. En revanche, l'étude de l'ADEME occulte trois impacts négatifs majeurs du recours massif aux agrocarburants :
- la hausse mondiale des prix des denrées alimentaires de base : pour le FMI, un tiers de l’envolée des cours vient du remplacement des cultures vivrières par les agro-carburants ;
- l’expansion du modèle agro-industriel, peu créateur d’emplois et destructeur des villages, en pointe dans la préservation des milieux naturels;
- les dégâts environnementaux provoqués par le recours intensif aux engrais et pesticides et au déplacement des cultures traditionnelles vers des zones plus fragiles.
Sur ce dernier point, les betteraviers français rétorquent qu'ils ont réduits de moitié leur consommation d'azote en vingt ans et qu'ils sont prêts à réduire encore de moitié cette dernière, dans le cadre du plan Ecophyto 2018. Mais ils menacent aussi : à condition que leurs rendements soient maintenus...
La directive EnR sera-t-elle appliquée en 2020 ?
Pas certain. La polémique sur les agrocarburants a conduit certains pays à réviser en baisse leurs objectifs de production dès 2010. Ainsi, l'Allemagne a déjà supprimé les avantages fiscaux aux agro-carburants et la France devrait le faire en 2012.
Surtout, l'Europe veut favoriser, à partir de 2017, les agrocarburants de deuxième génération produits à partir de plantes entières. L'avantage est double : frein aux importations et possibilité pour les producteurs européens de satisfaire la hausse de la demande.
17:53 Publié dans Les entreprises qui reculent | Lien permanent | Commentaires (0)
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