09081958

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 25 septembre 2014

Un drôle d'été français - Vers un été de la délivrance

Vers un été de la délivrance

 

          Mon éditeur, comme tant de petites et moyennes entreprises en France, a déposé le bilan, enfin, on dit maintenant « se mettre en liquidation judiciaire ».
            Je relis mes carnets, remisés dans un placard. Je les trouve bien sombres. En harmonie avec le pays ? Non. Ce pays que tant d’observateurs jugent au bord du gouffre, je ne le trouve pas si mal. Et pourtant…

             La Commission européenne a poursuivi sa politique suicidaire : élargissement sans fin, avec la Croatie, la Lettonie. Comme nous, les Lettons avaient refusé par référendum l’entrée dans l’Union mais leurs élus, comme les autres, ont « rectifié » leur opinion. Dans l’indifférence la plus totale, la Commission s’est engagée dans des négociations pour des accords de libre-échange avec la Chine[1] et les Etats-Unis. On le sait déjà, son aveuglement et sa désunion l’en sortiront perdante.
            Quant à la troïka Union-FMI-Banque centrale, elle veille dans l’ombre, lançant quelques piques pour vérifier si les peuples européens sont suffisamment anesthésiés. Il y eut d’abord une expérimentation en réel à Chypre avec la confiscation des avoirs bancaires supérieurs 100 000 euros, ensuite des sorties opportunes de « pseudo-analyses » du FMI. Pour sortir l’Europe de la crise, il suffirait de taxer toute l’épargne disponible à hauteur de 10 %. Une telle ineptie ne mériterait qu’un éclat de rire. C’est le silence. La France pourtant serait la plus menacée de tous les pays de l’Union : elle compte, après l’Allemagne, le plus de fourmis : 15 % de notre revenu disponible est épargné, soit un stock de plus de huit années de revenu[2].

             Même silence sur le travail de sape à l’égard de la démocratie : la Commission européenne dispose désormais d’un droit de véto budgétaire sur les Lois de finances votées par les élus nationaux. Déjà, le travail de ces derniers se limitait pour une grande partie à l’introduction dans le droit national des fameuses directives. A quoi servent-ils aujourd’hui ?

            En France, l’imbécillité des dirigeants –imbécillité au sens du petit Larousse : « absence complète d’intelligence, de compréhension »- se double d’une panique abyssale face aux réactions pourtant timorées d’un peuple qui se refuse à mourir, d’un peuple qu’ils n’osent désigner par son nom, celui de Français. Aucun de nos ministres ne parle de la France. Ils ne parlent que de République. Celle-ci serait-elle menacée ? Mais par qui ?

            Nous vivons ce moment de l’histoire décrit par René Girard, ce moment où le recours au bouc émissaire ne fonctionne plus. Le bouc émissaire, c’est le peuple français, forcément raciste ou fainéant, c’est la France, forcément moisie.

            Oh, pendant si longtemps, nous avons fait semblant d’adhérer à ce discours. C’est que nous récoltions quelques miettes : du RSA, des 35 heures, une bonne couverture santé… Désormais, les caisses sont vides et, tandis que les élus continuent à bien vivre et à accumuler des patrimoines vite dissimulés en SCI, le bon peuple se retrouve sans rien. Il suffit de lire les rapports du Sénat ou du Parlement pour y trouver, noir sur blanc, la fin inéluctable, d’ici moins de dix ans, du système des retraites et de la sécurité sociale.
            Ne reste au peuple que son intelligence. Elle résiste à l’abêtissement organisé au sein de l’école, à celui vanté à la télévision. Conspué par le pouvoir, le printemps français a suscité dans le peuple, bien au-delà de ses participants, une volonté féroce de réfléchir. Réfléchir à l’avenir du pays, à son identité, à la re-création d’un nouvel ordre.
            La refondation de la France ne peut se limiter aux questions économiques et sociales. Elle se doit d’être anthropologique. Autrement dit : Qu’est-ce que la France ? Ceux-là même qui se félicitent de la dire métissée s’offusquent de ce que l’on ait enseigné aux gamins d’Algérie et de Dakar que leurs ancêtres étaient gaulois. C’est ne rien comprendre au concept de liberté, cette liberté élaborée d’abord à Athènes. Athènes où l’homme n’était plus un échelon dans une lignée mais un égal, « isoï » à tous les autres. Ensuite, Rome institua un droit universel pour faire vivre en bonne intelligence des hommes venus de toute l’Europe. Elle créa la « personne humaine », cet ego que Descartes, plus de six cents après, dira pensant : « ego sum, ego existo », « cogito, ergo sum »[3].
            Héritiers à la fois des Gaulois et des Francs, ce peuple venu de Germanie dont le nom signifie « libre », les Français se définissent par un seul trait : celui de la liberté. Le Français est un citoyen affranchi de ses origines, sociales ou ethniques. Plus que pour tout autre Européen, la liberté est pour lui un mode de vie, une construction intellectuelle qui abolit les différences ou, plutôt, les cantonne à la sphère privée. Et cette liberté, elle s’épanouit dans un cadre normé, celui d’un état qui fonctionne démocratiquement et exerce ses pouvoirs régaliens.
            Le problème majeur de la France aujourd’hui n’est ni le chômage, ni l’immigration. Ces derniers ne sont que la résultante d’un manque grave dans le fonctionnement de la France. Non, son malheur résulte de deux manques : le manque de démocratie, l’impuissance de son état.
Manque de démocratie ? Il suffit d’aller sur Wikipédia, à l’entrée « indice de démocratie ». La France ne cesse, comme pour le classement Pisa de ses écoliers, de dégringoler dans le classement : vingt-neuvième ! derrière l’Afrique du sud et devant la Slovénie.

             Quant à l’impuissance de l’Etat, elle se mesure par la perte de ses quatre pouvoirs régaliens. Le premier est le maintien de l’ordre public. Je ne rappellerai pas ici les émeutes à répétition, l’impunité des « petits » délinquants et « grands » fraudeurs fiscaux, lecteur, tu les connais aussi bien que moi.

            Le deuxième pouvoir, celui de définir la loi et de rendre la justice, est lui aussi encalminé. Moins par le manque de moyens, indéniable, que par l’abondance de lois et la longueur de leurs textes. Nul n’est censé ignorer la loi ? L’épaisseur moyenne d’un Journal officiel dépasse les 23 000 pages ! La réglementite aigüe ne se limite pas aux textes parlementaires, elle contamine les Codes du travail, de l’immobilier, de la construction, de l’environnement. Autant de fils de fer qui bradent toute volonté de se projeter dans le futur.

            Nous en arrivons maintenant au troisième pouvoir régalien, celui de battre monnaie. Il a été abandonné sans contrepartie aux mains de l’Union monétaire européenne -« no comment ».
            Ne reste à l’Etat français que le pouvoir d’assurer la sécurité extérieure du pays. Ces douze derniers mois, cela s’est traduit par des interventions en Afrique et des velléités en Syrie. On comprend alors la phrase de notre président allant visiter les soldats français au Mali : « la journée la plus importante de ma vie » ! Et oui, il n’y a que par l’envoi de troupes qu’il jouit véritablement de sa présidence. Et son successeur n’en aura plus l’usage, la loi de « programmation militaire 2014-2019 » supprimant plus de 20 000 postes…
            D’un côté la perte des pouvoirs régaliens, de l’autre l’écrasement des charges sur le peuple : près de la moitié de la richesse créée en France va à un Etat incapable de remplir plus d’une des quatre fonctions qui justifient son existence. Et le peuple commence à s’ébrouer.

             A vous qui m’avez reçue ces trois dernières années, à vous qui m’avez effrayée par votre pusillanimité, je vous dis « tant pis » ! Sans ironie, je l’affirme : nous vivons une époque formidable. Jamais comme aujourd’hui les créations humaines nous ont autant facilité la vie et donné le bien-être, jamais autant d’hommes n’ont aussi bien vécu et autant appris.

            Cette vitalité, au lieu de l’accompagner, vous la craignez. C’est vrai, elle redistribue les pouvoirs et vous avez peur de perdre le vôtre. Ignorez-vous que, par votre lâcheté, vous l’avez déjà perdu ? Vous n’avez pas su vous appuyer sur le peuple qui reste le plus créatif de tous les peuples d’Europe, le français. Hors des médias, dans les cafés, sur les réseaux sociaux, dans les cuisines, il peaufine son avenir et sa jeunesse est le plus en pointe. De ses discussions enflammées émergera bientôt une nouvelle France. C’est à elle que je dédie mes carnets.

 



 



[1] Voir le site de l’agence d’information chinoise : http://french.xinhuanet.com/chine/201310/25/c_132829650.htm

[2] Plus de 10.000 milliards d’euros selon l’INSEE

 

[3] Je suis, donc j’existe ; je pense, donc je suis.

 

08:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)

Un drôle d'été français - France, mère des arts, des lettres et des sciences

Vendredi 24 août 2012, vendredi 23 août 2013

 

France, ressaisis-toi

 

          La plage de Trouville est bleue, jaune, verte, aux couleurs des tee-shirts des centaines d’enfants emmenés au bord de la mer, comme chaque année, par le Secours populaire. L’organisation est bluffante. Des chanteurs de rap dynamisent une jeunesse qui n’en a pas besoin, tandis que des tout-petits se serrent contre leur accompagnatrice.

            Me revient l’apostrophe de Pompidou à Chirac : « Chirac, laissez-les Français tranquilles et tout se passera bien » ! Oui, laissez-nous tranquilles. Nous sommes capables, nous, de redresser le pays sans vous, « dirigeants » sans envergure. Nous sommes capables d’inventer, de créer mais, s’il vous plaît, ne nous mettez pas de bâtons dans les roues.

            Les mois ont passé. J’ai complété mes notes estivales, approfondi les échanges, fouillé auprès d’autres interlocuteurs. Dans le même temps, la France a poursuivi son enfouissement et son aveulissement. Moins de trois semaines après mon retour de Trouville, rançois Hollande se couchait devant Angela Merkel. L’occasion ? L’adoption du Mécanisme européen de stabilité[1], cette institution financière internationale de la zone euro créée pour soutenir les états en difficulté.             Concrètement, en cas de crise, chaque état de la zone apporte des fonds en garantie d’une levée de capitaux qui peut aller jusqu’à 700 milliards d’euros. La part de l’Allemagne a été fixée à 190 milliards, celle de la France à 142,7, de l’Italie à 125,4… Cependant, de tous les pays, seule l’Allemagne a obtenu le droit de ne pas payer. Elle s’est octroyée une « clause d’exemption »[2] par laquelle elle peut décider au dernier moment de ne pas apporter de capitaux si ses intérêts ne sont pas préservés. En d’autres termes, l’Allemagne « tient » tous les autres pays de la zone.

             Deux mois plus tard, c’est devant l’Espagne que le gouvernement s’abaissa. Il livra une de ses citoyennes, Aurore Martin, à la justice outre-Pyrénées pour des faits non répréhensibles en France[3]. Six autres mois après, nous perdimes toute honorabilité avec un ministre du budget, ex-spécialiste en implants capillaires, dont il apparut –merci Mediapart !- qu’il était aussi fraudeur fiscal. Le comble viendrait lorsque les ministres dévoileraient des patrimoines d’une petitesse étonnante au vu de leurs parcours. Vivent les SCI, démembrements de propriétés et donations avec réserves d’usufruits…

            Oh, je vous entends rétorquer que la France en a vu d’autres ! Que ce n’est pas la première fois de son histoire qu’elle se dote de dirigeants incapables. C’est vrai, mais nous nous trouvons à un tournant majeur de l’histoire de l’humanité. Les enjeux sont énormes : bouleversement climatique, urbanisation majoritaire, vieillissement de la population, enrichissement de milliards d’êtres humains, conflagration des connaissances scientifiques et technologies…
            Pour maîtriser la brutalité de ces transitions, il faut de l’intelligence. Et la France est l’un des rares pays au monde à porter au pinacle cette qualité. Dès ses balbutiements, même lorsque l’aristocratie et le clergé se partageaient les rênes du pouvoir, elle a toujours laissé « monter » les grands esprits. Là où l’Angleterre anoblissait industriels ou commerçants, la France honorait ses scientifiques, auteurs ou penseurs. L’école y a existé bien avant Jules Ferry. A la fin de l’ancien régime, un tiers des Français savaient lire et, un peu moins, écrire[4]. Dans un pays où Voltaire lançait au chevalier de Rohan qui le faisait rosser pour avoir lutiné sa maîtresse : « je commence mon nom et vous finissez le vôtre ! », le pire des crimes est d’agir contre l’esprit. Il n’y a que les Italiens pour considérer la peinture « cosa mentale ».
            Force est de dire que le gouvernement actuel pêche par imbécillité, une imbécillité d’un type nouveau, une imbécillité sexuelle. Le sexe est devenu l’alpha et l’omega de nos dirigeants. La constitution du gouvernement ? trente-quatre ministres ! plus de deux fois que pour l’administration Obama en charge d’une population presque cinq fois supérieure à la française. Mais il fallait des femmes. Pas des cerveaux, pas du courage, pas l’intelligence des situations historiques, pas du charisme. Non, du sexe, et du féminin. Le ridicule ne tue plus – qui connaît Victorin Lurel, Valérie Fourneyron, Thierry Repentin, Kader Arif ou Hélène ConwayMouret[5] ? Qu’importe, à défaut d’être meurtrier, le ridicule se contente aujourd’hui de coûter cher[6]

            Mais c’est avec le « mariage pour tous » que nous nous sommes le plus profondément et le plus longtemps vautré dans l’imbécillité sexuelle. Le déni de la réalité poussé au paroxysme, le travestissement du beau mot d’égalité, le psychodrame qui jette des millions de Français dans les rues… Qu’y sont-ils venus faire ? « créer l’affrontement et le désordre et s’en prendre aux symboles de la République qu’ils haïssent »[7] ? Non, et il faut dépasser les visions simplistes.

            Les catholiques ont été les principaux moteurs et acteurs du refus du mariage pour tous mais ils n’étaient pas seuls. La levée de ces citoyens ne doit rien à l’homophobie mais tout à l’intelligence. Plus ou moins confusément, sans avoir lu Heidegger, ils ont compris que ce qui était en jeu derrière l’ouverture du mariage aux homosexuels, c’était l’articulation entre les avancées de la science et les soubassements de l’humanité. Alors que nos dirigeants n’ont que le mot de « République » à la bouche, cette loi est contraire à ses fondements.
            En France, la république est fille de Montesquieu –séparation des pouvoirs- et de Rousseau. Pour ce dernier, la nature est organisée de façon rationnelle et les lois des hommes doivent s'en inspirer, notamment en ce qui concerne la liberté individuelle, la primauté des contrats, le droit de propriété et, last but not least, le droit de la famille... Nous avons le droit de contester l'universalisme des philosophes des Lumières mais alors il faut savoir, comme l'a très bien analysé le ministre de la Justice Christiane Taubira, que l'on change de civilisation. Mais quelle civilisation ? Elles ne se valent pas toutes...
            Et pendant ce temps, nous cheminons, accablés d’impôts, d’impuissance gouvernementale et de chômage.
            Le gouvernement actuel devrait s’inquiéter. Non de la montée du Front national mais d’un renversement plus brutal. Si l’histoire bégaie, elle n’en présente pas moins des constantes. Depuis plus de deux cents ans, les renversements de gouvernement ou les désordres ont toujours été le fruit soit de la bêtise du dirigeant –Louis XVI, Charles X en 1830, Louis-Philippe en 1848[8]- soit d’une incapacité à assurer le respect de la France –gouvernement Paul Reynaud en juin 1940, gouvernement Félix Gaillard en 1958.

           Le gouvernement Jean-Charles Ayrault cumule les deux tares.


 

 

 

 



[1] Voir plus haut, dans la journée du 9 août.

[2] Arrêt du 12 septembre 2012 de la cour de Karlsruhe : « La République fédérale d'Allemagne doit affirmer qu'elle n'acceptera pas d'être liée par le traité du MES dans son ensemble si la moindre des réserves qu'elle pourrait avoir s'avérait vaine »

[3] Aurore Martin est membre du parti indépendantiste basque et transfrontières Batasuna, considéré comme organisation terroriste en Espagne mais pas en France. Elle sera finalement libérée sous caution en décembre 2012 et autorisée à revenir en France.

[4] Enquête du recteur Louis Maggiolo, lancée en 1877, à partir des signatures des époux sur les registres de mariage.

[5] Vous ! désormais, vous les connaissez : Victorin Lurel, ministre des outre-mers, Valérie Fourneyron, ministre des sports, de l’éducation populaire et de la vie associative, Thierry Repentin, ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage, Kader Arif,ministre délégué aux Anciens combattants ou Hélène ConwayMouret, ministre déléguée aux Français de l’étranger.

[6] 4,217 millions d’euros par an pour l’ensemble du gouvernement, selon les calculs du journal Le Monde.

[7] Propos tenus par le ministre de l’intérieur le 24 mai 2013.

[8] Chateaubriand : « Philippe n’est pas un vrai roi, c’est le prévôt ou le grand sergent de la ville de la Royauté à qui l’Europe crache au visage : le délateur patenté s’essuie et remercie, pourvu qu’on le maintienne dans sa place ».

 

08:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)