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jeudi, 18 juin 2015

L'écologie selon le pape François ? Intégrale.

J’étais ce matin avenue de Breteuil chez les évêques de France pour la présentation de l’encyclique Loué sois tu ou Laudate Si.

Voici le retour de mes premières impressions, après lecture rapide.

1 / L’encyclique dans le temps
Il s’agit de la 2ème encyclique de François, après « Lumière de la foi ».
Dans ces 2 textes, on retrouve 2 points communs :
- l’importance donnée à l’action -cette encyclique me semble une feuille de route ;
- l’importance donnée au concret : que ce soit l’observation de la réalité ou la prise en compte du corps humain comme point de départ de cette dernière («L’ouïe atteste l’appel personnel et l’obéissance, et aussi le fait que la vérité se révèle dans le temps; la vue offre la pleine vision de tout le parcours et permet de se situer dans le grand projet de Dieu; sans cette vision nous disposerions seulement de fragments isolés d’un tout inconnu » dans Lumen Fidei).
Cette encyclique apparaît avant la COP 21, conférence internationale sur le climat attendue à l’automne à Paris.
La présentation à la conférence des évêques s’est faite en présence de
Mgr Jean-Luc Brunin, Évêque du Havre et Président du Conseil Famille et Société,
Nicolas Hulot, Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète,
Elena Lasida, Chargée de mission à Justice et Paix France.

2 / Quelles inspirations pour l’encyclique ?
Essentiellement les travaux du conseil Justice & Paix, mais aussi ceux de Caritas, ainsi que ceux du patriarche œcuménique Bartholoméos, dont je vous donne le lien vers « religion et environnement : quels défis spirituels pour aujourd’hui ? ».A noter aussi, les travaux de Paul J. Crutzen, très actif sur ce sujet à l'académie pontificale des sciences.           

Plus en amont, les questions environnementales ont été très présentes dans les écrits de Jean-Paul II. Selon le canadien Jean-Guy Vaillancourt,  de 1979 à 1992, 132 textes signés par le pape d’alors portaient sur ce sujet.
Benoît XVI a suivi ce sillon : à Pâques 2008, il a doublé le nombre de péchés capitaux, ajoutant la pollution, la contribution à l’écart entre riches et pauvres, la richesse excessive et la création de pauvreté, ainsi que : la contraception, la recherche sur les cellules souches, la consommation de drogues.
Une nouveauté : jusqu’à Benoît XVI, les diplomates du Vatican parlaient plutôt de « développement humain authentique ». François parle de « développement durable et INTEGRAL ».

3 /   1 introduction, 6 chapitres
L’introduction commence par l’état des lieux et se termine par un appel.

Dès le départ le lien est fait entre paix, lien social et environnement.
Les 6 chapitres sont :
            - Ce qui se passe dans notre maison
            -  L’évangile de la création
            - La racine humaine de la création
            - Une écologie intégrale
            - Quelques lignes d’orientation et d’action
            - Education et spiritualité écologiques

Ce qui se passe dans notre maison
            - Importance donnée au changement climatique. Cf les travaux de l’académie pontificale des sciences sur l’anthropocène. Notre ère est ainsi nommée car l’action de l’homme, pour la 1ère fois, modifie son environnement, au sens large.

            - Importance donnée à l’eau potable : depuis 1991, la diplomatie vaticane se bat pour que l’eau reste un bien commun.
            - Regret sur les échecs des Sommets mondiaux sur l’environnement, due à la « soumission de la politique à la technologie et aux finances ».

L’évangile de la création 
            - « La lumière qu’offre la foi » : reprise d’un thème cher à Lumen Fidei
            - Responsabilité de l’homme par rapport à la nature
            - Destination commune des biens et primat de la création sur la nature.
La racine humaine de la création
            Avec le dernier chapître, c’est la partie de l’Encyclique qui m’a le plus parlé :             
                       - lien entre la technologie et le mal,

                       - analyse de l’impact de la technologie sur nos comportements : « les objets produits par la technique ne sont pas neutres », « certains choix qui paraissent purement instrumentaux sont, en réalité, des choix sur le type de vie sociale que l’on veut développer »,
                       - paradoxe de la coexistence d’une « démesure anthropocentrique » et du concept de l’être humain réduit à un être vivant comme les autres –François parle de « schizophrénie permanente »,
                       - rappel du travail comme fondement des relations sociales.
Une écologie intégrale
            -
Rappel que tout est lié, notamment les conséquences des dégradations environnementales sur les liens sociaux et culturels ; et donc que « toute atteinte à la solidarité et à l’amitié civique provoque des dommages à l’environnement » (citation de Caritas in Veritate) mais aussi que l’action pour le respect de l’environnement sera difficile et complexe.

            - Premières recommandations d’actions à mener face à des situations données et présentées concrètement.
Quelques lignes d’orientation et d’action
           
Nous en arrivons à la feuille de route proposée par François.

            - « L’humanité de l’époque post-industrielle sera peut-être considérée comme l’une des plus irresponsables de l’histoire, il faut espérer que l’humanité du début du XXI° siècle pourra rester dans les mémoires pour avoir assumé avec générosité ses graves responsabilités ».
            - Exemples positifs : par exemple la convention de Bâle sur les déchets dangereux. Je suis plus dubitative, car en ce domaine, la convention n’est pas appliquée et que la corruption et le crime généralisé sont les 2 caractères majeurs du traitement des déchets dangereux.
            - Avis négatif sur les crédits carbone, que je ne partage pas entièrement.
            - Critique des stratégies de lutte contre les émissions de GES (gaz à effet de serre) menées par les pays riches et appel à promouvoir les énergies renouvelables ans les pays pauvres en prenant bien en compte le contexte dans lequel sont implantées les infrastructures.
            - Accord international pour la gestion des océans.
            - Alliance entre la réduction de la pollution et le développement économique.

            - Promotion des nouvelles formes d’organisation et de contrôle politique par les populations.
            - Refus des recettes uniformes.

            - Questions à se poser avant toute initiative : « Pour quoi ? Par quoi ? Où ? Quand ? De quelle manière ? Pour qui ? Quels risques ? A quel coût ? Qui paiera les coûts et comment le fera-t-il ? »      
Education et spiritualité écologiques
            Dans cette dernière partie, des citations du théologue allemand Romano Guardini, professeur et inspirateur de Benoît XVI. Pour ma part, j’ai plutôt pensé au film Matrix des frères Wachowski.
            -
Appel à un mode de vie différent : la liberté est dans la sobriété.
            - Rappel de la charte de la terre de l’an 2000 : j’en ai été étonnée, car ses fondements (en gros, primat de la terre GaIa sur l’être humain) ont été vivement combattus par le Vatican.

            - Importance de la beauté pour « sortir du pragmatisme utilitariste ».
            - Très belles pages sur la conversion écologique  avec focus sur la Trinité et  les relations hommes/créatures, et un petit passage sur Saint-Joseph, dont la vie « peut nous enseigner à protéger (…) pour prendre soin de ce monde que Dieu nous a confié ».

Bref, un texte majeur qui lie problématiques sociales et environnementales, importance de la spiritualité et analyse de l'incidence des comportements, individuels et collectifs, sur notre environnement. Le tout dans un esprit constructif, jamais accusatoire mais riche de confiance.