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mardi, 11 mai 2010

Dette publique : pourquoi la France est attaquée

Le sauvetage de la Grèce, avec l'appui de l'Allemagne, ainsi que la création d'une solidarité dans l'Eurozone ont suscité, hier lundi, un fort rebond des marchés d'actions. Aujourdhui, la rechute est douloureuse en Europe, seule les bourses allemandes résistant en limitant leur repli à moins de 0,5 %. En revanche, les actions françaises sont en fort recul.
Comment analyser cette volatilité des marchés ? D'abord, en rappelant les grandes lignes des plans de sauvetage, ensuite en en pointant les manquements puis, enfin, en soulignant les risques élevés pour la dette publique française.

Un plan massif pour l'eurozone

Outre les 110 milliards d'euros à destination de la Grèce qu'apporteront l'Union européenne et le FMI, quelques 720 milliards d'euros de prêts et de garanties bilatéraux ont été annoncés pour aider tout pays en difficulté dans l'Eurozone tandis que les facilités de balances de paiement octroyées par l'Union européenne à la Hongrie, à la Lettonie et à la Roumanie.
La Banque centrale européenne s'est engagée à intervenir sur les segements des marchés de dettes, publiques ou privées, en manque de profondeur ou de liquidité. C'est contraire à ses statuts mais la situation l'impose.
Enfin, les facilités de swaps de devises avec la Fed (Réserve fédérale américaine, équivalent de la BCE) sont réactivées.

Des interrogations en suspens

Le diable se cachant dans les détails, il serait opportun d'étudier ces derniers. Problème, ces fameux détails ne sont pas connus. A commencer par le plus gros, celui du fonctionnement du véhicule d'investissement spécial. Comment sera-t-il abondé en essence ? Quelles sont les instances aptes à en prendre le volant ?  Quelles seront les conditions de déclenchement de son moteur ? Dans ce flou savamment entretenu, il est compréhensible que les « spéculateurs » estiment rentable et peu risqué de tester encore les capacités de réaction des dirigeants de l'Union européenne. D'autant que Moody's, en fin de journée lundi, a été très claire : l'agence de notation des dettes s'apprête à abaisser la note des emprunts grecs, au niveau des investissements à haut risque, ainsi que celle de la dette publique portugaise.

La France en ligne de mire

Quant à la France, elle a beau être cinquième puissance mondiale, elle risque bien de descendre rapidement de son perchoir. Tenus dès vendredi dernier mais publiés seulement mardi dans le Handelsblatt, les propos du commissaire européen aux Affaires économiques et monétaire Olli Rehn ont le mérite de la franchise : « En Italie, le processus d'assainissement des comptes publics doit être intensifié. Cela vaut aussi pour la France. »

Cet avertissement a été suscité par sur deux faits majeurs. Le premier est structurel : les prévisions du déficit budgétaire 2010 ne cessent d'être révisées à la hausse depuis le début de l'année. Le dernier réajustement est intervenu en avril. D'un montant de 3 milliards d'euros,  il a porté à 152 milliards le déficit budgétaire estimé pour 2010, « sous l’effet d’un surcroît de dépenses de 3,9 milliards et d’une augmentation de la prévision de recettes de 0,9 milliards, se traduisant par une augmentation de 3 Md€ du besoin de financement de l’Etat par rapport à la loi de finances rectificatives du 9 mars 2010. Le besoin de financement de l’Etat pour l’année 2010 s’établit ainsi à 239,1 milliards d'euros. » Ces chiffres sont officiels, on les retrouve sur le site de l'Agence française du Trésor. « Ce besoin de financement sera couvert à hauteur de 188 milliards d'euros par les émissions à moyen et long terme (BTAN et OAT) nettes de rachats, et à hauteur de 1,2 Md€ par une augmentation de l’encours de dette à court terme (BTF) » ,poursuit l'organisme en charge de la dette de l'Etat français.

Le second évènement à l'origine de la semonce faite à la France par Olli Rehn est intervenu à la mi-mars, le 10 exactement. Ce mercredi-là, l'AFT annonce le lancement d'une OAT (obligation assimilable du Trésor) d'une durée de cinquante ans, l’OAT 4,00 % 25 avril 2060. A la fin de la journée, après le dépouillement des ordres d'achat par les institutionnels, les argentiers publics ont des sueurs froides : le taux d'intérêt est de 4,175 %, soit un rendement supérieur de 2 points de base à celui de la précédente OAT de 50 ans, l’OAT 4,0 % 25 avril 2055.
En d'autres termes, la France doit payer une prime de risque pour que ses emprunts soient acceptés par le marché.

Risque de wee-end chahuté

On comprend dans ces conditions l'absence de triomphalisme de Christine Lagarde, interrogée ce matin sur France Culture. Surtout que, après-demain jeudi, aura lieu une nouvelle adjudication d'OAT par le Trésor français. Entre 7,5 et 9 milliards d'euros seront proposés au marché, avec pour échéance les années 2020, 2021 et 2041. Que les acheteurs potentiels demandent une nouvelle fois une prime de risque pour ces emprunts à durée plus courte que celle de mars dernier, et la charge de la dette publique s'alourdira encore...
Les perspectives sont très sombres. La poursuite de la dérive déficitaire est inimaginable : à force, les emprunts français ne trouveront plus preneurs si ce n'est à des taux usuraires. Seule la réduction des déficits publics est indispensable mais ce remède risque de tuer le malade. Trop de rigueur et les embryons de croissance seront tués dans l'oeuf. Il faudra donc du doigté aux dirigeants européens, politiques ou financiers.

Sur la ligne d'OAT à 4,50% à échéance le 25 avril 2041, le taux moyen pondéré avait atteint 4,28% lors de l'adjudication comparable précédente, le 7 janvier.

Il précise que les ministres des Finances de l'UE discuteront de ce changement lors de leur réunion mensuelle la semaine prochaine.

L'Italie a réduit jeudi dernier sa prévision de croissance et a relevé sa prévision d'endettement.

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