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samedi, 20 septembre 2014

Un drôle d'été français - La guerre sans nom

Vendredi 10 août 2012

Les barbares sont parmi nous car nous sommes les barbares

Mal de tête, mal aux yeux, je crains d'avoir une insolation. Je suis revenue plus vite que prévu d’Hossegor et, en cette fin d’après-midi, j'attends chez le docteur. Trois personnes devant moi. Au mois d'août, et un vendredi soir en plus ! Les médecins sont rares mais j'ai de la chance, celui du village est resté. Un des autres patients (que j’aime ce mot ![1]) sort son portable d'où résonnent les carmina burana. Nous tendons tous l'oreille, une conversation privée, c'est toujours plus ragoûtant que les amours de Mylène Farmer narrées dans Voici.
- Quoi ?
- …- Non, non, il faut que tu rappelles aussi les Etcheverry et les Garains, et puis aussi les Colombani.
- …
- Oh, c'est pas vrai, je l'avais oublié !
- …
- Oui, et, surtout, tu rayes bien les noms de la liste à chaque fois que tu les as eus.
- …

- Oh, ça va, il y a juste une personne devant moi. J'en ai pour une grosse demi-heure, ensuite je repasse à la mairie. Allez, à tout à l'heure !
            Nous nous replongeons dans nos magazines. Un vieux monsieur, moins poli ou moins discret, au choix, interpelle le causeur.
- Vous ne seriez pas des Lasserre de par Ardinguey par hasard ?
- Oui oui. Excusez-moi, j'ai dérangé tout le monde en téléphonant.

- Pas de souci. Il y a trente ans, je partais tous les matins à l'usine avec un Arnault Lasserre et je crois que je vous ai déjà vu ici ou là. Dites, vous avez l'air d'avoir des ennuis...
- Oh, si vous saviez, vous ne me croiriez pas.
            Il s'interrompt. Aucun de nous n'ose dire que nous sommes au contraire tout disposés à le croire. Le vieux monsieur n'a aucune gêne.
- Oh, moi, j'en ai entendu dans ma vie !
            A ce signal, le causeur déballe son sac.
- Figurez-vous que j'avais loué, ça fait plusieurs semaines déjà, la salle communale, derrière le nouveau cimeterre pour fêter nos vingt ans de mariage. On attendait 70 invités pour samedi. Hier, je passe à la salle pour vérifier quelques trucs et quand j'arrive, je me trouve devant une flopée de grosses bagnoles et de caravanes, à trois mètres à peine de l'entrée. Les gitans !
            Un léger souffle parcourt l'assemblée. Chaque été, les gitans « évangélistes » viennent au village mais ils s'installent dans les barthes, jamais ils ne sont allés sur les hauteurs. Il poursuit.
- Je leur ai demandé de parler à un responsable, ils m'ont envoyé aux pelotes, alors là je suis allé à la mairie, il y avait le secrétaire, et vous savez ce qu'il m'a répondu ? Que j'avais loué la salle, pas le champ ! Je me suis énervé, on ne peut même pas entrer dans la salle, et puis, la mairie était d'accord pour que je fasse un zikiro[2] dans le champ, et alors le secrétaire m'a traité de raciste ! (bordée d'injures non retransmissibles). Du coup, voilà, j'annule tout.
            Nouveau petit souffle dans la salle d'attente. La porte du cabinet s'ouvre, le docteur passe sa tête et une dame avec son enfant le rejoint. La discussion repart entre les autres patients. Je n'y prends pas part. Si ce vingtenaire de mari n'était pas raciste, la remarque du secrétaire l'aura bien poussé à le devenir. Ne faudrait-il pourtant pas de gros efforts d'explications pour faire accepter aux péquins lambda le passage des gitans ? Car l'affrontement entre sédentaires et nomades, entre cultivateurs et pasteurs, entre Caïn et Abel, cet affrontement immémorial a changé de nature.
            Ici, les gitans sont toujours passés durant l'été. Ma grand-mère leur donnait les chaises à rempailler ou leur achetait quelques bricoles tandis que mon grand-père maugréait sur les poules qui risquaient d'être volées, et l'étaient parfois. Ce n'était pas le grand amour mais la cohabitation estivale était sereine.
            Les gitans d'aujourd'hui sont autres. Il y a quelques années, je travaillais dans une ONG de développement dont un service assurait l'accueil aux migrants. Tout juste embauchée, j'assurais la refonte du site internet de l'ONG. Arrivée aux pages sur le service aux migrants et, plus spécifiquement, aux Roms, je fis part de mon malaise au webmaster avec qui je partageais le bureau.
- Ecoute, il faut que je te dise, j'ai du mal là. Les Gitans déjà, je le vois dans le village de mon père, ils s'installent dans un grand champ près du lac, le bousillent, piratent l'électricité et laissent la facture à la mairie qui est toute petite. Et les Roms, j'en ai fréquentés longtemps rue Croix des petits champs quand j'apportais la bouffe aux sans-abris. Je peux te dire que c'est de l'esclavage. Il y avait une grosse femme et son mari, ils tenaient sous leur coupe une dizaine de jeunes faméliques qu'ils envoyaient mendier ou chaparder dans la journée et on devait leur donner la bouffe à eux. On se débrouillait pour glisser de la bouffe en douce dans la main des jeunes mais je t'assure qu'on l'avait mauvaise !
- Je sais, tu as raison mais c'est justement la raison supplémentaire pour les aider.
            Evidemment, sa réponse n’avait rien de convaincant et le webmaster m'avait apporté le lendemain des textes expliquant le travail fait par l'ONG et le sort réservé aux Roms dans leur pays d’origine, de Bulgarie, Hongrie ou de Roumanie. De ses explications, de mes contacts et des discussions avec ceux qui dorment dans nos rues, je pense profondément qu'il faut refuser de laisser les Roms devenir les boucs émissaires de l’Europe. Ils sont là pour se faire un pécule avant de retourner chez eux.
            Je suis tout aussi certaine que l'aide ne suffit pas. Les petits Oliver Twist[3] sont si nombreux parmi eux ! Il faut de la politique, il faut de la politique intelligente. Sinon, ceux qui aident verront leur révolte initiale virer lentement au dégoût tandis que s'accroitront les tensions et que resurgira le conflit Caïn-Abel.
            L'appréhension de ce phénomène qui n'a cessé de grandir depuis mon échange avec le webmaster doit se faire sans a priori. Non, ce n'est pas être raciste que de se dire insupporté par l'installation sous ses fenêtres de groupements de nomades souvent agressifs et vivant non plus de la maraude mais du crime organisé. Car les Roms qui arrivent en France sont sous la coupe de clans mafieux qui les exploitent, utilisent de préférence les enfants et organisent cambriolages et vols de cuivre ou autres métaux à grande échelle. Ils vivent dans des conditions épouvantables, le long des autoroutes ou près des décharges.
            Le refus de la quasi-totalité de nos dirigeants politiques de saisir le problème à bras le corps ne fait que renforcer la rancoeur et débouchera, tôt ou tard, sur la violence. Non la violence des Roms mais celle de populations locales excédées. Certes, l'accumulation de lois aux visées contraires limite le pouvoir des dirigeants politiques mais pourquoi ne sont pas lancées des enquêtes financières sur les dirigeants des camps de Roms ? Plus fondamentalement, pourquoi, au niveau national, nos dirigeants n'ont-ils pas élaboré de doctrine cohérente face au phénomène ?
            Jusqu'ici les pratiques, que je n'ose qualifier de politiques, se sont limitées à passer le grisbi d'une commune à l'autre, parfois même à payer les Roms, à la fois en liquide et en billets d'avion de retour vers leur pays d'origine. « Cachez ce Rom que je ne saurai voir ». Oui, mais le Rom revient.          Contrairement aux anciens gitans bien de chez nous, les Roms venus du sud-est de l’Europe ne sont pas des nomades. Ils sont des pauvres chassés de leurs pays où, toujours, ils ont été tenus en marge. Ils sont ces « autres Européens[4] » comme les appellent nos bureaucrates de l’Union incapables de prendre en considération les altérités et les différences entre peuples. Alors, soit on jette aux orties nos valeurs, on chasse les familles d’un bidonville à l’autre et on bloque les frontières, soit on les accueille mais à la condition de ne pas laisser entrer avec eux le crime organisé.

            A côté de ces mafieux, les véritables criminels sont ces dirigeants politiques qui dégainent l'invective de « raciste » dès qu'un de leurs électeurs ose se plaindre. Leur crime, c’est de ne pas protéger les populations, qu'elles soient « de souche » ou « de passage ». La question à résoudre n'est pas celle des Roms ou des gitans, la question à résoudre est celle du crime organisé qui opère autant en col blanc qu’en col bleu. C’est lui qui contrôle et organise les arrivées d’immigrants.
            Pour les Roms de pays membres de l’Union européenne, c’est facile. Pour les autres clandestins, c’est plus difficile mais faisable : depuis que la Libye a été détruite en tant qu’état, la Turquie organise les entrées massives de clandestins dans l’Union européenne. Au nom de la « visa diplomacy », Turkish Airlines offre des billets low-cost aux Afghans, Bengalis, Camerounais, Somaliens et autres Irakiens. Une fois déposés à l’aéroport Ataturk, ils sont pris en charge par les organisations criminelles turques de passeurs, qui les amènent dans l’Union via la Bulgarie ou la Grèce. Arrivés là, les sans-papiers sont comme dans une nasse où ils tournent en rond sans trouver de travail. Et la spirale infernale tourbillonne : les Grecs excédés se révoltent, tombent dans les bras d’Aube dorée et se font une réputation de sales nazis.
            Ce crime organisé, il ne se limite pas aux états périphériques de l’Union.
            On le retrouve aussi bien enraciné dans les fameuses ZUS ou zones urbaines sensibles. Qui sait qu'il en existe près de 800 en France ? 5 millions de personnes, soit 8 % de la population y vivent, sous la coupe de trafiquants de drogue hors de portée des autorités policières et trop souvent protégés par des « imams » dévoyés. Ici aussi, l'insulte de raciste a servi de paravent à l'instauration rampante d'une mise sous coupe réglée des voisins, sommés de fermer les yeux aux trafics si ce n'est de servir de nourrices. Vint ensuite, dans une grande majorité de ces zones, l'implantation d'un islam de sous-catégorie, aux préconisations limitées au port du voile et à l'enfermement pour les femmes, à l'interdiction de boire de l'alcool pour tous et à l'obligation de pratiquer le ramadan. Imams et trafiquants marchent main dans la main : les premiers contrôlent la population et la font se soulever lorsque une rare intrusion policière menace les seconds.
            Malheur à celui qui oserait se rebeller et réclamerait son droit à vivre en sécurité ! Nul ne l'aidera, les institutions républicaines -au premier rang desquelles la force publique- ont abandonné le terrain depuis longtemps. Je le répète, ceux-là mêmes qui manient l'insulte de raciste le sont -racistes- plus que tout autre. En refusant de prendre les nouveaux entrants et leurs descendants comme des adultes responsables, en les englobant sous le vocable d'Arabes, de Roms ou de musulmans alors que leurs origines sont multiples -Hongrie, Roumanie, Algérie -dont descendants harkis, kabyles et arabes-, Maroc, Tunisie, Liban, Turquie, Mali...-, ils les ont enfermés dans une sous-catégorie d'êtres humains, ils ont pratiqué une politique de ségrégation ethnique honteuse,   des métastases qui gagnent toujours plus de territoire. Ceux-ci qui manient l'insulte de raciste à l'égard de Français « de souche » au mieux renforcent, au pire créent, un racisme chez des Français qui, par ailleurs, ne se sont jamais sentis « de souche » mais seulement Français, à l'égal de ces « musulmans » circonscrits à leur religion alors qu'ils sont avant tout des êtres humains.
            Alors, faut-il légaliser la consommation de cannabis ? Oui et non. Oui, parce que toute substance appréciée des consommateurs mais interdite légalement de diffusion trouvera toujours des criminels pour s'emparer des centres de production et des circuits de distribution. L'exemple de la prohibition des années 30 aux Etats-Unis est probant. Non, parce que le cannabis n'a plus rien à voir avec la marie-jeanne des beatniks. La beuh est un OGM (organisme génétiquement modifié) à forte teneur THC qui facilite le déclenchement de la schizophrénie.

            Comme d'habitude, les rares politiques à plaider pour la dépénalisation vivent dans une tour d'ivoire et, s'ils fument, ils ne vont pas à Saint-Ouen ou dans les halls de Bobigny ou Sevran chercher leur conso de la semaine. Elle leur est servie à domicile, toujours de qualité et peu toxique. Qu'ils aillent faire un tour dans les hôpitaux psychiatriques, emplis de jeunes malades mentaux ex-fumeurs de joint.
            Plus fondamentalement, la dépénalisation n'est pas, n'est plus, un sujet en soi. Elle s'inscrit dans une réflexion politique sur la « reconversion » des pourvoyeurs actuels de drogue. Le nombre des grossistes est estimé entre 700 et 1400 et leur train de vie annuel à 550 000 euros. Plus difficilement quantifiable, les « petits entrepreneurs » du secteur seraient compris entre 6 000 et 13 000. Comment les réintégrer dans le circuit économique légal ? Faut-il le faire massivement ou au cas par cas, tant est complexe l'imbrication entre trafics de drogue, trafics d'immigrants, prostitution, recel, trafics d'armes ? Et comment associer populations locales et d'ailleurs sur le territoire, pour qu'une telle amnistie puisse être admise ?
            Il faut fournir un discours cohérent aux parents qui, dans les ZUS s'escriment à maintenir leurs enfants « sur le droit chemin » : « Mais oui, ma fille, il vaut mieux que tu deviennes comme ta mère, femme de ménage dans les bureaux de 5 à 8 heures du matin plutôt qu'être la catin d'un voyou qui a vécu du trafic, menacé, tué ou torturé et se retrouve maintenant amnistié par la République reconnaissante ! ».
            Il y a urgence, car le trafic issu des ZUS irrigue toute la société. D'abord en shit : 550 000 consommateurs quotidiens en France, 1,2 million de consommateurs « réguliers »[5] qui s’inhalent 208 tonnes de cannabis par an, soit le plus haut niveaux d'Europe. Ensuite, en armes : la diffusion des armes de guerre, Kalachnikov et même missiles, parvient jusque dans les patelins de notre douce France. Enfin, en argent sale : la corruption s'étend chaque jour en peu plus en France.

            Serions-nous à la veille de sombrer dans le désordre de l'Afrique sud-saharienne ? C'était il y a deux ans déjà, une amie rentrait de Guinée-Bissau où elle travaillait pour la Banque mondiale.
- Tu sais, la Guinée-Bissau, c'est fichu. Ce n'est plus un Etat, c'est une zone de transit pour la cocaïne des cartels sud-américains. D'abord, ils ont tué Batista Tagmé Na Waié, le chef d'état-major de l'armée, on se murmure qu'il aurait trouvé 200 kilos de coke dans un hangar de l'armée, ensuite ils ont tué le président Viera. Et après la Guinée, ce sera le Sénégal, le Mali... Là-bas, les Boeing débarquent leurs cargaisons dans le désert comme à Roissy, sans problème.
- Oui mais la cocaïne, ce n'est pas pour les Africains ?
- A peine un tout petit peu. Non, elle est prise en mains par les bandes des satellites d'Al Qaïda qui la font remonter en Espagne par le Maroc ou l'Algérie. De là, ça diffuse dans toute l'Europe. Et encore, l'Afrique de l'Ouest, ce n'est rien comparé à la Somalie. Toute la côte est est devenue le réceptacle de l'héroïne en provenance d'Afghanistan.
- L'héroïne ?
- En fait, le volume annuel est moitié moins que celui de la coke : 30 à 35 tonnes d'un côté, 50 à 60 de l'autre. Mais la côte australe est gangrenée par les trafics d'armes, de migrants, de déchets toxiques. Tu n'imagines pas.
Si si, ma belle, j'imagine. Sur la route me ramenant du médecin à la maison, je me rappelle mes études d’histoire. En France comme en Allemagne, au Benelux ou au Royaume-Uni, partout le même effondrement de l'Etat et ces zones interdites qui prolifèrent et d'où sont chassées les institutions publiques, Poste, écoles et collèges exceptés.

            L'Europe revient aux formes moyenâgeuses des conflits avec des bandes de mercenaires ou criminels qui terrorisent les populations de façon sporadique et des Etats qui se livrent bataille de façon tout aussi sporadique. Mais l'histoire ne se répète pas, elle bégaie : les routiers des XIII et XIVème siècles ravageaient les campagnes et tuaient les paysans sans disposer de bases de repli ; les gangs du XXIème siècle détruisent d'abord leur environnement propre, péri-urbain le plus souvent, et n'en sortent que pour des trajets express sur autoroute, en convois de voitures puissantes de transport de drogue. Ils prennent cependant de plus en plus d'audace, comme en témoignent les raids transfrontaliers de Lyon vers Genève dont j'ai lu la retranscription dans l'Express qui traînait dans la salle d'attente du médecin.

 



[1] Issu au départ du verbe latin souffrir, il ne prend aujourd’hui plus que son second sens.

[2] Mechoui basque.

[3] Roman de Charles Dickens, écrit en 1839qui décrit la vie londonienne des enfants-voleurs commandés par Fagin.

[4] Cf le site http://www.the-other-europeans.eu.

[5] Source : MILDT : Commission pour combattre le trafic de drogue et l'addiction

 

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