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dimanche, 21 septembre 2014

Un drôle d'été français - La guerre sans nom

Samedi 12 août 2012

Les bruits de bottes du petit Maréchal Hollande

          Il est 10 heures du matin. Mon fils, mon frère et ses filles sont partis à la plage, mon père chez un ami. Ma seule obligation ? nourrir et promener le chien. Pour l’heure, je me berce dans le hamac, à l’ombre sur la terrasse, une bouteille d’eau et le dernier Coben à portée de main, sur la table de ping-pong.
         Le mal de tête me taraude moins mais je suis incapable de lire. Je me passe sur la tablette les photos d’enfance que j’ai numérisées l’été dernier. Sur l’une d’elles, les cousins alignés sur deux rangs, en short et chemisette, droits comme des I, tenant comme des fusils des épées de bois que nous avaient fabriquées nos pères. Nous en avons fait des batailles, aussi héroïques que celles de la guerre des boutons !
          Derrière le champ de maïs, les coralins bruissent dans le vent et le frémissement des feuilles parvient jusqu’à la maison. Le bois était notre terrain d’aventure mais nos guéguerres relevaient plus de l’ère punique que de la guerre moderne. A l’époque, on la disait froide. Cela voulait dire que la Russie, les Etats-Unis et la Chine ne s’affrontaient ni sur leurs territoires ni sur l’Europe mais à leurs confins -Cuba, Corée, Viet-nam- et, aussi, en Afrique.
           Aujourd’hui, les conflits se poursuivent mais de façon plus souterraine, à l’exception de la guerre menée contre l’Irak par une cinquantaine d’Etats en 2003. « Illégale » au regard de l’ONU, cette guerre est vraiment à l’origine, avec la corruption, des difficultés actuelles des Etats-Unis et de l’Europe : crise des subprimes et crise de la dette souveraine en découlent directement. En 2008, les économistes américains Linda Bilmes et Joseph Stiglitz estimaient à 3 000 milliards de dollars le coût des opérations américaines en Irak. Un chiffre à mettre en relation avec le PIB annuel des Etats-Unis : 15 000 milliards de dollars… D’un calcul à la louche, il ressort que durant cinq ans, les Etats-Unis ont consacré 4 % de leur production nationale à leur guerre en Irak. A ce coût s’ajoute ceux des guerres en Afghanistan, contre la terreur et contre la production de drogue… Au total, selon le Bureau of Economic Analysis du ministère du Commerce américain, les deux tiers du budget fédéral sont consacrés à la Défense[1]… D’où les Etats-Unis sortent-ils l’argent pour financer leur guerre en Irak ? De la planche à billets : légèrement supérieure à 6 000 milliards de dollars l’an lors du déclenchement de la 3ème guerre du Golfe, elle avoisine aujourd’hui les 15 000 milliards.

            De fait, il existe une imbrication totale entre la guerre, généralisée à l’échelle du globe, et la « crise financière ». La première nécessite de l’argent frais, qui lui est apporté par les banques centrales, au premier chef la Fed américaine. Cet argent, excessif par rapport aux besoins de l’économie réelle, est acheté par des fonds, gérés pour des personnes fortunées pour une faible part, pour les retraités de par le monde, plus nombreux, et pour des gouvernements. Problème : l’argent est prêté à des taux d’intérêt si faibles qu’il ne rapporte rien. Ceux qui les possèdent vont alors le faire fructifier. Pour cela, ils vendent à découvert[2], des emprunts d’Etat par exemple : ceux-ci voient leur cours reculer et leurs taux s’envoler. Les états qui les ont émis s’affolent car le remboursement de leur dette devient plus élevé. Pour peu que ces états fassent partie d’un ensemble disparate –par exemple, l’Union monétaire européenne- qui s’est dotée de garde-fous impératifs sous forme de ratio dette /PNB et dont les banques et assureurs ont été fragilisés par la crise précédente des subprimes, alors la prise de risque est limitée. En effet, chacun de ces états a renoncé à l’arme de la dévaluation qui permettrait de rembourser en monnaie de singe. Le spéculateur –je n’ose dire l’investisseur- est donc gagnant à tous les coups grâce au mécanisme de secours dans la zone euro.

            « Mon ennemi c’est la finance ! » Le candidat Hollande avait fait le bon diagnostic. Mais quel maréchalisme! Le Flamby aurait-il besoin d’ennemis pour exister ? Ce qui me fait rire, c’est son arme suprême pour combattre les petits gnômes de Zurich : la taxation à 75 % des revenus supérieurs à 1 million par an. Ouh la la, ils doivent trembler de peur.
            Nous en sommes au degré zéro de la réflexion politique. Les 75 % étaient bien utiles pour gagner l’Elysée. En quoi serviront-ils à alléger le poids exorbitant des activités financières dans le monde ? En 2008, avant le déclenchement de la crise financière, la valeur des actifs financiers ramenée au PIB (Produit intérieur brut), était de 450 % aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
            Je veux bien croire que la finance soit un ennemi à la hauteur de notre président mais je ris jaune quand je le vois dégainer son arme fatale, celle de l’imposition maximale sur les hauts revenus. Depuis 3 ans, nos dirigeants, le président français actuel compris, ne font que sauver la finance. Alors, soit la finance n’est pas mauvaise pour la bonne marche de notre économie et ce n’est pas un ennemi, soit elle a maintenu une tel pouvoir de nuisance que nous sommes obligés de nous incliner devant sa puissance. Et de payer pour ses déboires.
            Bien entendu, c’est la deuxième hypothèse qui est la bonne. Un exemple : qui connaît Dexia dans le grand public ? Peu de monde sinon toi, oh lecteur, ainsi que les élus locaux des villes à que l’ancien Crédit local de France marié au Crédit communal de Belgique avait prêté des « fonds toxiques ».
On le sait, cette banque relativement petite et renationalisée de fait entre la France et la Belgique reste encore une bombe à retardement : tant l’Etat belge que le français garantissent ses emprunts à hauteur de… 90 milliards d’euros.          
            Combien de recapitalisations, c’est-à-dire d’intraveineuses d’argent public seront-elles encore nécessaires ? Ces injections de cash sont méconnues. En revanche, leurs répercussions sur notre vie, nous les ressentons tous les jours, en termes de manque de crédits, de prix faramineux pour se loger. Lorsque la Caisse des Dépôts et Consignations française doit apporter à Dexia quelques 4 milliards d’euros, ce sont autant de milliards indisponibles pour la construction, pour l’investissement dans les entreprises… Et la mèche ne s’éteindra pas avant longtemps : la banque ne sera pas rentable avant 2018, selon ses dirigeants, et, surtout, la France et la Belgique devront de nouveau sortir le porte-monnaie : en 2014, 65 milliards d’euros des emprunts garantis devront être remboursés…
            Au-delà de cette anecdote, se profile le coût total de la crise financière pour l’Union européenne: en quatre ans, plus de 5 mille milliards d’euros auront été consentis au secteur financier. 5 058,9 milliards exactement. Les 4 dixièmes de la richesse annuelle (PIB) créée par tous les Européens de l’Union en 2011[3]. On pourra arguer que 1 616 milliards d’euros « seulement » ont été effectivement débloqués. Un quart tout de même du PIB et quant aux trois autres, ils n’ont pas et ne seront pas disponibles pour le financement de la croissance… Contribuables, payez ! Et énervez-vous contre les Grecs, les Italiens ou les Espagnols. C’est tellement plus facile de livrer à la vindicte les autres peuples que de dire la vérité : le sauvetage des établissements financiers de la zone euro, et les français un peu moins que d’autres, a plombé la croissance européenne et c’est vous tous qui remboursez les pots cassés.

            Guerre hors limite, crise financière et crime organisé : trois expressions un peu intellectuelles, en fait trois mouvements constitutifs de la mondialisation. Ils marchent de concert car ils adoptent la même stratégie, celle du nénuphar.
            Le nénuphar, vous connaissez ses fleurs blanches, rouges, dont les pétales éclosent à la surface des bassins d’eau. Il y en a sous le grand saule qui se mire dans le petit lac derrière la maison où je promène le chien.
            J’y repense parce que je viens d’être dépassée par des coureurs à la tête un peu rasée de militaires. C’est un responsable des risques, saint-cyrien de formation, qui m’en avait parlé le premier. Il travaille dans une SSII et avait bien voulu me recevoir. L’une des entreprises partenaires de notre projet était spécialisée dans les systèmes d’information pour maisons de retraite et cliniques et j’avais besoin d’explications. Comme d’habitude, la conversation avait ripé à la fin de l’entretien et nous en étions venus à parler « armées » puisqu’il est resté officier de réserve.
- Depuis une dizaine d’années, le Pentagone ferme ses grandes bases, coûteuses et cibles faciles du terrorisme ou du rejet par les habitants. Sa présence dans le monde est exceptionnelle : 150 pays à peu près. Mais elle se fait de plus en plus discrète en application de la stratégie nénuphar. Leurs bases nénuphars sont petites, rien à voir avec les 60 000 soldats présents en Allemagne. En fait, tu as des grandes bases, qu’ils appellent « Mobile offshore bases », d’où rayonnent des petites stations qu’ils appellent nénuphars. Ces nénuphars qui peuvent aussi être reliés à des porte-avions abritent des brigades de forces spéciales, super-équipées en drones et équipements de surveillance et d’information.
- Je suppose que ces nénuphars, on les trouve surtout en Asie, dans l’océan Indien et la mer de Chine ?
- Oui, c’est beaucoup plus discret que les grandes bases et c’est une menace voilée à l’égard de la Chine qui veut écarter toute puissance non asiatique dans la mer de Chine.
- Dis-moi, est-ce que ce n’est pas la même stratégie que suivent les banques ?
- Je ne te suis plus là.
- Les paradis fiscaux, ce sont bien les nénuphars de la finance non ?
- Ah oui, je vois. Oui, tu peux les comparer à des nénuphars mais ils ne sont soumis à aucune puissance publique. Les bases nénuphars du Pentagone, elles servent les intérêts américains. Les paradis fiscaux, il y en a combien, trente-cinq états environ, auxquels tu ajoutes les « pseudo-états » genre île de Man ou de Jersey, ou Monaco ou Andorre, juste pour rester dans l’Europe… Les paradis fiscaux n’obéissent à aucune règle politique claire, ils ne dépendent d’aucun état. Ils sont eux-mêmes des états qui ont décidé que leur PIB reposerait sur l’attractivité fiscale. Ils sont juste là pour rendre un service aux autres états mais ne sont pas des instruments de puissance : les îles Caïman n’ont aucune velléité hégémonique.
- Mais quel service ? et à qui ?
- A tout le monde.
- A moi aussi ?
- Non, tu n’as pas assez de fric. On tape toujours sur les joueurs de foot ou les chanteurs mais les paradis fiscaux, ils servent d’abord aux hedge funds, bien pratiques pour blanchir l’argent sale et, surtout, aux entreprises, aux états. Pour une entreprise, il n’y a rien de mieux pour échapper à l’impôt. Prends un groupe de distribution français. Il a une filiale de production en Thaïlande. La filiale lui vend les marchandises à prix coûtant. Comme ça, elle ne dégage aucun bénéfice dans son pays qui n’a aucune rentrée fiscale. Le produit de la vente, il ne va pas être enregistré directement chez la maison-mère mais il va passer par un paradis fiscal où elle y en laissera une partie. Comme ça, son bénéfice, imposable dans son pays d’origine, sera diminué.
- Oui, c’est connu tout ça. J’ai lu quelque part que la moitié du commerce mondial passe par les paradis fiscaux, alors que leurs PIB pèsent moins de 4 % du PIB mondial. Mais les états, en quoi cela leur sert-il ?
- D’abord pour tout les transferts de fonds un peu occultes : tu vends de l’armement militaire, des centrales, des aéroports, de grandes usines : à chaque fois, tu dois rémunérer des intermédiaires à qui tu verses des commissions dans des états peu regardants sur l’origine des fonds. Ca c’est le passé et encore un peu le présent. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus organisé. A condition bien sûr que l’état en question ait de l’argent.
- Je vois où tu veux en venir : la Chine par exemple, elle est le premier détenteur étranger de la dette fédérale américaine mais le troisième, après le Japon, ce sont les Caraïbes –Bermudes et Caïmans. Et ces îlots paradisiaques, ce ne sont pas eux qui ont acheté directement les emprunts américains.
- Et non, pour beaucoup, c’est le gouvernement chinois qui abrite là une partie de ses avoirs. Ses citoyens aussi peuvent y accéder, grâce à la fameuse circulaire 698 qui organise leurs transferts d’argent. Sans oublier Hong-Kong : les îles Caïman sont la septième destination des investissements hong-kongais à l’étranger. D’ailleurs, les entreprises qui s’y établissent n’ont même pas besoin d’utiliser les caractères romains, elles peuvent le faire avec leur propre alphabet.
- Mais pourquoi en ont-ils tant besoin ?
- Pour commercer ! C’est aux Caïmans que sont domiciliées la quasi-totalité des joint-ventures[4] entre entreprises chinoises et étrangères. Et puis aussi pour se faire coter aux Etats-Unis.
- Pardon ?
- Une société chinoise sur quatre cotée aux Etats-Unis le fait par le biais d’une structure « caïmanaise », le VIE ou « variable interest entity ». C’est une sorte de sas pour les entreprises chinoises qui n’ont officiellement pas le droit d’ouvrir leur capital à des étrangers. Le VIE ouvre son capital à des actionnaires extérieurs et non pas l’entité chinoise qui, elle, reste la propriété du VIE.
- Autrement dit, la morale communiste est sauve.
- Et oui ! Mais comme tu vois, il y a une imbrication totale entre le fonctionnement normal de l’économie et la fraude. Ce n’est plus possible de travailler « honnêtement » et ça, surtout si tu travailles avec les collectivités publiques, à l’étranger comme ici. La question d’aujourd’hui, et elle vaut pour tous les Etats du monde, c’est l’imbrication entre le crime organisé, la puissance publique et l’économie privée. Et ça va même plus loin : imbrication n’est pas le mot juste. Tout est poreux, il n’y a plus de frontières.
- Tu peux me donner un exemple ?
- A foison. Regarde la crise des subprimes aux Etats-Unis. Là où elle a le plus frappé, c’est dans les états les plus mafieux comme la Floride qui concentre un sur cinq des dossiers hypothécaires frauduleux. Dans l’Ohio, même proportion chez les vendeurs de subrimes : un sur cinq avait un incident judiciaire ! Les autorités de contrôle ont partout fermé les yeux.
- Tu veux dire, en haut, des banques d’investissement qui fabriquent en toute connaissance de cause des produits de titrisation à base de prêts irremboursables, des autorités publiques laxistes et, en bas, des criminels qui profitent de l’effet d’aubaine.
- Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le ministre de la Justice[5].
- Tu me dis que tu ne peux pas travailler honnêtement. Concrètement, ça veut dire quoi ?
- J’exagère bien sûr.
- Ah ! Ah ! toi aussi, motus et bouche cousue ?
- Non, c’est seulement qu’on travaille essentiellement avec des entreprises, pas avec l’Etat ou les collectivités publiques, et quand on va à l’étranger, c’est l’Allemagne ou la Scandinavie. C’est sûr, on commence à voir des directeurs d’achat qui veulent une petite commission mais on peut encore avoir les contrats sans jouer avec le feu.
Mais je vais t’expliquer un truc. Tu sais que les entreprises ont besoin de grands systèmes d’information. Elles s’adressent donc à de fournisseurs de réseaux informatiques qui transporteront et stockeront toutes leurs données et tous les échanges de leurs salariés. Là, on est dans le confidentiel absolu. Bien. Tu as des entreprises chinoises qui ont émergé dans ce domaine, ZTE et Huawei. A tort ou à raison, le gouvernement américain a interdit aux entreprises du pays de s’équiper auprès de ces deux géants du routage. Il est persuadé qu’ils espionnent pour le compte de leur état en introduisant des « portes dérobées » chaque fois qu’ils installent un réseau.
- La porte dérobée, c’est la backdoor, comme dans Wargames ?
- Oui.
- C’est pas vraiment de la collusion crime organisé-économie, ce que tu me racontes. L’utilisation des entreprises par les états a toujours existé. Ca s’appelle l’espionnage économique.
- Pas seulement. Prends Huawei, c’est le deuxième routeur mondial. Il a été créé par un ancien de l’armée chinoise, Ren Zhengfei, mais on ne sait pas à qui il appartient : officiellement, les salariés possèdent les actions de la société mais c’est du pipeau. En revanche, tu n’imagines pas le nombre de pays dans le monde qui sont en bisbille avec Huawei : l’Algérie, le Kenya, le Canada… Va donc sur le site de Wikileaks. Il a sorti des informations intéressantes sur la façon dont le Chinois a forcé le Kenya à choisir ses équipements.
            Sur le chemin du lac à la maison, me reviennent, pour la première fois et avec un an de retard, les mises en garde qu'avec mes associés nous avions préféré ignorer.
C'était avant même le lancement de notre projet de fonds de titrisation pour activités sociétales, au printemps 2011. Je l'avais soumis à un expert du haut de bilan des assureurs. Il s'était récrié :
- Des fonds de titrisation en assurances ? Tu n'y penses pas ! Et avec du partenariat public-privé en plus ! Les fonds de titrisation en assurances, on a vu le résultat avec l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans : ils étaient tellement pourris qu'aucun des investisseurs n'a retrouvé sa mise. Et je te rappelle : deux ans après, c'était les fonds de titrisation en crédit immobilier, les subprimes, qui nous ont tous foutu dans la m...
- On n'est pas aux US, on est en France. Et d'ailleurs, ça fait plus d'un an qu'on surveille la sortie de ces SPV et ça fait plus de trois ans qu'ils sont dans les tuyaux, examinés sous toutes les coutures. On préfère être prêts avant que Lagarde ne donne son aval et, a priori, elle le donnera.
- Et alors ? Tu crois que la France est une tour d'ivoire ? Ici comme partout, tu peux être sûre que les margoulins rôdent. Les SPV, c'est la porte ouverte à toutes les dérives. Vous devriez commencer plus petit et ne pas toucher à ça.
            Trop sûre de moi, j'avais ignoré son avertissement. Quelques semaines plus tard, l'un de mes associés et moi étions reçus par une « éminence grise » du capitalisme français à qui nous soumettions nos intentions. Très disponible, généreux, il nous avait longuement interrogés avant de nous confier les coordonnées de personnes susceptibles de participer au projet. Il nous avait, gentiment, mis en garde
- Pour ma part, je peux vous assurer qu'en tant qu'administrateur d'une compagnie d'assurances ou d'une caisse de retraite, jamais je n'accepterais que l'argent de mes assurés ou des ayant-droit d'un fonds de pension ne soit placé dans un fonds de titrisation.
            Certains de notre fait, orgueilleux du travail déjà accompli, nous avions superbement ignoré ses avertissements. Et cela d'autant plus facilement que les premiers accueils avaient été enthousiastes. Notre échec, nous l'attribuerions plus tard à la crise financière de l'automne et de l'hiver 2011, qui avait failli faire chuter le système bancaire européen puis la monnaie de l'Union.
            Ce n'est que cet été que j'accepte enfin de regarder en face l'étendue de la corruption. Et encore, ce mot est-il trop réducteur pour décrire le système économique d’aujourd’hui. Les nénuphars ne sont pas que militaires, et quand ils sont financiers, ils ne se limitent pas aux paradis fiscaux. Ils prolifèrent et gangrènent toutes les sphères de la société. De temps en temps, elle se rebiffe mais juste un peu, un tout petit peu. Il est trop tard.
            Il n’y a qu’à voir le scandale du Libor[6]. Presque aucun média n’en parle en France, et à peine à Londres où il vient d’éclater. Le Libor c’est le taux interbancaire de Londres, le kampin lambda comme moi n’y connaît rien. Il suffit juste de savoir qu’il sert de référence pour les crédits aux ménages et aux entreprises et pour les produits dérivés. Soit 400 000 milliards de dollars concernés. D’après le Guardian, il semblerait que ce Libor, mais aussi l’Euribor, son équivalent de la zone euro, aient été manipulés par les plus grandes banques européennes, à leur profit exclusif…
           J’ai à peine suivi les péripéties de ce scandale, je sais juste que je dois absolument arrêter d’y penser. Juste écouter le frémissement des feuilles du champ de maïs, siffler le chien, humer l’odeur de la sauge au bord du sentier et saluer les voisins qui passent. Jouir de mon dernier jour dans les Barthes et arrêter de ruminer mon échec professionnel. Je repars demain à Paris et je devrai retrousser les manches pour le boulot.

 

 

 



[1] Le Bea inclut dans ses calculs, outre les dépenses militaires stricto sensu, les dépenses sociales et de retraite du ministère des Anciens combattants et celles du nucléaire militaire.

[2] Pour vendre à découvert, vous déposez 100 € sur un compte, qui vous servira de garantie. Puis vous passez un ordre de vente sur un titre, par exemple l’OAT (obligation du Trésor français) 2020. Du fait de votre ordre de vente, le cours de l’OAT va plonger et, pour s’ajuster, son taux d’intérêt va augmenter ce qui accroît le coût de remboursement par son émetteur, l’Etat français. Toutes les tensions sur les obligations des états européens du sud de la zone euro ont reposé sur ce mécanisme de vente à découvert, à tel point que l’Union a interdit, mais un peu tard, les ventes à découvert.

[3]Rapport du 13 janvier 2013 de la Commission européenne sur les aides d’État.

 

[4] Filiale commune à deux entreprises qui la possèdent à 50-50.

[5] Là, mon interlocuteur me renvoya au livre de Jean-François Gayraud, « La grande fraude ». A la page 104, il retranscrit les propos du ministre américain de la justice, Michael Mukasey, devant le Centre des études stratégiques et internationales ou CSIS : « La première menace identifiée provient de criminels organisés contrôlant des positions significatives dans le secteur de l’énergie et d’autres secteurs économiques stratégiques. Ils étendent leurs placements dans ces secteurs, en corrompant le fonctionnement normal de ces marchés et peuvent avoir un effet déstabilisant sur les intérêts géopolitiques américains. (….) Un triangle de fer d’hommes d’affaires corrompus, d’officiels gouvernementaux corrompus et de criminels organisés exerce une influence substantielle sur les économies de nombreux pays ».

[6] Le « London interbank offered rate » est le taux interbancaire de référence sur le marché monétaire londonien. Il est calculé en faisant la moyenne des prix que les banques déclarent être prêtes à payer pour se prêter entre elles.

 

08:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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